L’ÉCONOMIE DE LA CITÉ DES DONNÉES
Tout pan de la ville est devenu une source de données exploitables et
surtout de profit. Pour autant, les données se montrent parfois
aveugles. Parce qu’elles ne sont pas une représentation fiable de la
réalité, c’est toute l’économie qui pourrait bien en pâtir.
Le modèle économique de la Cité des Données repose sur une étrange, mais
étroite hybridation du travail entre planification numérique et tâches
humaines, l’hétérotomatisation.
UNE ÉCONOMIE RÉGIE PAR LA DONNÉE
La Cité est devenue une gigantesque mine de données, qu’il convient d’extraire au fil des jours. Afin de collecter toujours plus d’informations – qui permettent d’optimiser le comportement de la ville – tout est prétexte à connecter le moindre objet, et nombreuses sont les incitations culturelles & financières. Les propriétaires d’objets connectés peuvent décider de revendre leurs données – personnelles ou celles d’autres, mais captées avec leurs propres périphériques connectés – à des opérateurs, et ce sous certaines conditions. Une question se pose alors : à qui appartiennent les données ?
LA PERSONNALISATION AGILE
Selon l’analyse du profil de leur utilisateur, les objets connectés peuvent adapter leurs comportements et personnaliser les services. Mais profiter de cette cité des services adaptatifs, c’est jouer selon ses règles. En effet, les non-connectés échappent à la captation et encourent le risque de ne pas être reconnus comme des citoyens à part entière. Ils éveillent à ce titre la suspicion.
LE BIAIS HUMAIN
Algorithmique n’est pas infaillible, et les données ne voient pas tout : les services urbains sont soumis aux angles morts des données. Il en résulte parfois des ratés dans la proposition d’offres personnalisées. Après tout, les algorithmes des services urbains sont eux aussi dépendants de la construction culturelle que leurs développeurs se font du monde.
L’HÉTÉROTOMATISATION : LA NOUVELLE NORME SOCIO-PROFESSIONNELLE
“Mon patron est un algorithme”! L’hétérotomatisation est le mélange d’actions numériques et d’actions humaines. Cette mutation de l’activité économique a créé de nouvelles professions, mais aussi de nouveaux maux du travail : stress lié à une pression continue, incompréhension avec les logiques algorithmes, isolement psychologiques… Beaucoup de petits boulots consistent à occuper le dernier maillon physique d’une chaîne de services numériques, typiquement sur du service à la demande. Les autres emplois s’articulent autour du maintien en l’état de la ville numérique : réparer les câbles, ramasser les robots urbains en panne,… Beaucoup d’emplois sont passés à la moulinette de la donnée (data driven jobs) : être connecté lors de ses journées de travail donne lieu à un suivi des tâches plus précis, une recherche d’optimisation sans friction de ce qui est à accomplir, une accélération permanente des gestes pour une productivité accrue.
PRIVATISATION ET NOUVEAUX MONOPOLES
Toutefois, il existe un droit d’entrée à payer pour pouvoir bénéficier des atouts de la ville intelligente. Si l’on veut se greffer sur l’infrastructure connectée et pouvoir commercer dans l’espace public, il est nécessaire d’acheter des concessions numériques aux pourvoyeurs de l’infrastructure urbaine. Ces dernières étant relativement coûteuses, on constate la privatisation d’un certain nombre de services laissés au bon vouloir des entreprises qui les ont mis en place, et donc la création de nouveaux monopoles.
DERRIÈRE LES ÉCHANGES OPTIMAUX ET SANS FRICTION
Cette Cité des Données qui nous parle d’optimisation à tout va, sait-on seulement pour qui elle optimise ? Est-ce pour le grand public ? Pour les entreprises ? Visiblement, il s’agit surtout d’optimiser l’infrastructure elle-même afin qu’à la manière d’un miroir, elle renvoie des statistiques qui permettent aux administrateurs de se gargariser de glorieux résultats, leur assurant ensuite des profits monétaires – pour les opérateurs privés – ou électoraux – pour les opérateurs publics.